ANR Systèmes policiers européens (XVIIIe-XIXe siècles)
Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme, Aix-en-Provence, France (2-3 juillet 2015)
Le programme « Les systèmes policiers européens XVIIIe-XIXe siècles) », soutenu par l’Agence nationale de la recherche (http://syspoe.hypotheses.org), s’inscrit dans le renouvellement qu’a connu l’histoire des polices ces dernières années. La notion de « système policier » renvoie d’une part à la façon dont, dans un espace et à un moment donnés, s’articulent différentes forces de police, selon des relations complexes de complémentarité, de concurrence, de hiérarchie ; elle interroge d’autre part les articulations et les interactions qui lient les administrations ou corps de police avec d’autres institutions de régulation sociale et leurs acteurs, qu’il s’agisse de l’armée, de la justice, de l’Eglise, des métiers, etc.
Le colloque, organisé à Aix-en-Provence (Maison méditerranéenne des sciences de l’homme) les 2 et 3 juillet 2015, vise à saisir ces « systèmes policiers » et leurs dynamiques à partir d’observatoires et de questionnements spatiaux. L’espace, qu’il soit urbain ou rural, et à ses différentes échelles, du quartier de ville aux vastes étendues d’un empire, conditionne-t-il, et avec quelles conséquences, les organisations policières ? En retour, comment l’imbrication complexe des forces de police, comme des multiples institutions disposant de pouvoirs de police, contribue-t-elle à dessiner des configurations territoriales spécifiques, en fonction de la définition de leurs compétences, ou encore de leurs modalités d’intervention et d’action ? Comment la police se situe-t-elle, quel est son rôle, à côté et au contact d’autres acteurs, dans la production des territoires ?
Les études à visée comparative seront privilégiées, sans exclusion géographique, qu’il s’agisse de territoires métropolitains ou coloniaux du XVIIIe siècle jusqu’à 1914. Les communications alimenteront une réflexion articulée autour de trois axes thématiques, qui mettront l’accent sur : 1. Les lieux qui concentrent l’attention et les activités policières (frontières, rues et quartiers particuliers, espaces portuaires, lieux d’accueil et d’assistance, espaces forestiers, etc.) 2. Les liens entre les formes de déploiement matériel des polices dans l’espace et les caractérisations qu’elles confèrent aux territoires 3. Les représentations et les savoirs de l’espace en relation avec la formation des appareils de police, leurs structurations et leurs transformations.
Session 1. Espaces sensibles : les polices en situation
Loin d’être un support neutre sur lequel les polices étendraient de façon continue et régulière leurs logiques de quadrillage et de contrôle uniformes, l’espace sur lesquels elles ont à se déployer et à agir présente des hétérogénéités qui appellent des degrés de vigilance gradués. Aussi certains lieux sont-ils surinvestis par l’action policière, d’autres délaissés.
Ce premier axe orientera la réflexion sur ces discontinuités spatiales, en prenant comme terrain d’observation privilégié les espaces cibles des activités policières. Marchés, banlieues, ports, frontières, enceintes de production économique, espaces réservés de divers types, variables selon les lieux et les circonstances, se distinguent par la mise en œuvre de techniques et de pratiques particulières, par des concentrations de moyens, par des modes opératoires distincts de ceux en usage dans d’autres espaces moins surveillés. S’y superposent souvent des juridictions particulières, des compétences concurrentes, et s’y côtoient des forces de police de diverses natures et provenances, comme des formes de régulation sociale et des cadres normatifs d’origines variées. En ce sens, ils constituent des terrains d’observation particulièrement pertinents pour saisir, en situation, les différentes composantes des systèmes policiers, leurs relations complexes, et les facteurs qui peuvent en modifier, au fil du temps, le fonctionnement. Fragmentation des espaces, hétérogénéité des populations, pluralisme juridique retiendront par conséquent l’attention afin de mieux comprendre le lien entre des espaces singuliers et des répertoires d’action policière expérimentés, adaptés, et éventuellement transposés d’un lieu à un autre. On pourra mettre ces analyses en perspective avec les espaces apparemment délaissés, qu’il s’agisse de représentations particulières ou de conséquences des pratiques policières, indicatives du fonctionnement des polices.
Session 2. Les polices dans l’espace : mobilités, stationnements, distributions
Cet axe vise à interroger le rôle de l’ancrage territorial et/ou de la mobilité des forces de l’ordre dans le fonctionnement des systèmes policiers.
Le questionnement portera en premier lieu sur la localisation des polices à l’échelle d’un empire colonial, d’un pays, d’une région, d’une ville, d’un quartier ou d’une rue. La présence policière sera examinée dans ses aspects concrets : dans quels espaces ou types d’espaces, bâtiments ou types de bâtiments se localise-t-elle, quand et pourquoi ?
Dans la continuité de ces questionnements, on s’interrogera sur la façon dont les policiers prennent possession de l’espace. Les polices, relais indispensables des exigences du maintien de l’ordre, développent une théorie, des pratiques et des techniques d’occupation spatiale qui leurs sont propres, dans lesquelles la prise en compte de la morphologie de l’espace est amenée à jouer un rôle qui reste à approfondir. Par ailleurs, leur relation au territoire implique une relation aux populations. Théorisée dans les écrits policiers, celle-ci s’établit dans une dialectique de la bonne distance conjuguant la proximité à l’éloignement. Les relations entre polices et espaces sont donc liées à une professionnalisation des forces de l’ordre, dans laquelle la mobilité géographique garante d’indépendance et d’incorruptibilité et/ou l’ancrage dans un territoire familier et connu jouent, à des degrés divers, le rôle d’indice du bon exercice du métier.
Session 3. Les systèmes policiers acteurs des constructions et des représentations territoriales
Cet axe permettra de cerner la construction mutuelle et réciproque des systèmes policiers et des territoires.
Si le rapport entre les réformes policières et les réformes urbaines – en particulier la redéfinition des quartiers et de leurs limites à partir du XVIIIe siècle – a déjà été étudié, le lien entre organisation des polices et pensée du territoire reste à approfondir, pour les périodes les plus contemporaines et certains espaces, ruraux ou coloniaux notamment. Afin de répondre aux objectifs de maintien de l’ordre mais aussi en référence à certains modèles de civilisation, les polices produisent ou contribuent à produire un savoir administratif et cartographique sur l’espace, et le (re)modèlent en fonction des exigences de la rationalité et de l’efficacité. Les territoires s’en trouvent refaçonnés, qualifiés, hiérarchisés, certains bénéficiant d’une attention supérieure en raison de leurs fonctions jugées stratégiques dans le dispositif mis en place. Ces représentations et ces pratiques circulent entre les systèmes policiers ou au sein d’un même système, avec des formes d’appropriation dans d’autres sphères de la vie publique, selon des modalités qui ne sont qu’en partie connues.
En retour, on pourra s’interroger sur la façon dont l’organisation, les découpages et la délimitation des territoires modèlent les systèmes policiers et alimentent leurs réformes. Les conquêtes et les opérations de pacification de territoires sont à l’origine de réformes policières qui restent à explorer, à la fois dans leur genèse, dans leur théorisation, mais aussi dans leurs réalisations et leurs conséquences. On pourra s’intéresser aux représentations, à l’intérieur et au dehors de la sphère des pouvoirs policiers, qui associent polices et territoires, une « bonne police » renvoyant à l’image d’un territoire bien maîtrisé, bien structuré, en un mot civilisé.
Les propositions de communication s’inscrivant dans ces axes thématiques sont à envoyer sous la forme d’un résumé de 2 500 à 3 000 signes maximum avant le 15 décembre 2014 à Céline Regnard (celregnard@gmail.com). Les communications, d’une durée de 20 minutes, pourront être faites en français ou en anglais.
Les propositions émanant de chercheurs n’ayant pas pour spécialité les questions de police, mais souhaitant investir ce domaine depuis leurs propres champs de compétence sont bienvenues.
Le comité scientifique établira la liste des communications retenues pour le 10 février 2015. Une publication est envisagée sous un format qui reste à définir.
Le voyage et l’hébergement des communicants seront pris en charge pour une durée maximale de trois nuits.
Comité scientifique :
Brigitte Marin, Aix-Marseille Université, UMR 7303 TELEMME
Céline Regnard, Aix-Marseille Université, UMR 7303 TELEMME
Emmanuel Blanchard, Université de Versailles-Saint-Quentin, CESDIP
Aurélia Dusserre, Aix-Marseille Université, UMR 7310, IREMAM
Livio Antonielli, Università degli studi di Milano
Marieke Bloembergen, KITLV, Leiden
Marco Cicchini, Université de Genève
Vincent Denis, Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, UMR 8066 IHMC
Catherine Denys, Université de Lille III, UMR 8529 IRHIS
Vincent Milliot, Université de Caen, UMR 6583 CRHQ